Le monde du silence. Quel nom à la fois si bien et si mal trouvé ! Si bien, car le terrien, privé de sa parole, s’imagine les êtres vivants privés de vagissement (poisson-crocodile), glapissement (poisson-lapin), rugissement (poisson-lion), hurlement (loup), beuglement (requin taureau), feulement (requin tigre)… Si mal trouvé, car tout plongeur sait bien que sous l’eau, outre le bruit des bulles, ça craque, ça frotte, ça grignote, ça mâche la gueule ouverte…
Les passionnés d’oiseaux enregistrent les sons dans la forêt, les passionnés de baleines enregistrent leurs chants, les passionnés de magouilles enregistrent les conversations de leurs amis intimes, les passionnés d’enquêtes sur les gens louches enregistrent les appels téléphoniques, mais qui enregistre le discours des mérous ? Personne ! Peut-être parce que cet animal ne semble pas très disert, à la limite taciturne. Pourtant, il ne vit pas que seul dans son recoin. Là où il est un peu moins en danger qu’ailleurs, on le voit parfois chasser un congénère trop envahissant ou, à l’inverse, se regrouper avec d’autres pour exécuter un ballet sous les yeux des plongeurs conquis par le spectacle. Et tout ça sans un mot, sans avoir besoin de crier, ni même de grommeler. Du moins, s’il le fait, c’est en silence.
Ah ! le monde du silence… S’il inspirait nos comédiens professionnels qui monopolisent les médias en période de parade électorale… Ca va passer, c’est périodique. Dans quelques semaines à peine, on entendra déjà les terriens se plaindre des résultats. Jamais contents ces terriens, toujours à râler, après s’être fait embobiner, comme à la parade, après un ballet de politiciens tout sauf muets comme des carpes. Pour échapper à ce cinéma, il vaut mieux plonger dans ce monde du silence pas si silencieux, en attendant l’été…