Les conditions de plongée sur les épaves de la Côte Vermeille sont le plus souvent imprévisibles et souvent très différentes de celles que l’on peut trouver plus à l’Est du bassin méditerranéen. Plutôt que de considérer d’emblée cela comme un aspect négatif, il faut savoir profiter des situations pour ressentir sa plongée différemment à chaque occasion.
Lorsque la mer est agitée et que la couche de surface est remuée, chargée en particules, elle peut se transformer en une sorte de soupe de légumes, verte sous la lumière d’un soleil d’automne qui lutte dans un ciel bas et lourd pour exister. Etonnamment, la thermocline a presque disparu et l’eau qui est encore à une température agréable pour la saison n’est pas plus fraîche en dessous. Par contre, en dessous, il fait sombre, sombre mais clair. La couche d’eau supérieure bloque les rayons du soleil et se garde ses particules. Nous voici donc sur l'Astrée, plongés dans une ambiance crépusculaire avec de 10 m de visi.
Pénombre autour, obscurité dedans. Quelques anthias virevoltent autour de la tôle corrodée dont le phare révèle les teintes chaudes.
Dans les coursives, les poutrelles bornent le champ de vision. Ces référentiels visuels font ressortir le léger brouillard qui baigne et imprègne l’épave.
L’angle tribord avant du château est toujours le lieu de regroupement des anthias aussi chatoyants que la rouille là où la vie ne la recouvre pas.
Derrière les éclats de couleurs, les fourneaux signalent l’emplacement de la cuisine ouverte à tous vents profonds, avant une cheminée disparue dont il ne subsiste que la base cylindrique, énorme.
Il faut déambuler dans ces coursives, dans cette ambiance crépusculaire qui tend au nocturne lorsque les tôles, les lambeaux de filets et la vie concrétionnée se concentrent et s’additionnent, rejetant la pâle lueur verte à l’extérieur. Déambuler un chandelier à la main, dans une vielle demeure délabrée, un soir d’automne alors qu’au-dehors le soir tombe et que le vent souffle, et découvrir sur les murs des tableaux craquelés et des tapisseries effilochées accrochés, témoins d’instants passés figés. Cette ancienne demeure, cet ancien lieu de vie pourrait être effrayant et repoussant. Et pourtant, nous y sommes, un phare à la main, parcourant ces coursives, révélant les marques du temps sur les vestiges des hommes. L’esprit n’est pas à la peur, il est simplement dans un ailleurs.