Depuis des mois et des mois, la Judokate Palmée et son Petit Moniteur Préféré, notamment, me vantaient les qualités de leur nouveau terrain de jeu loin de la mer : la Gravière du Fort (link). Le mot « gravière » évoquait pour moi de lointaines images de ma jeunesse où du fond de trous d’eau sale des grosses machines rouillées extrayaient des petits cailloux. Côté plongée, j’avais des vieux souvenirs d’une gravière aux eaux vertes à cause des efflorescences microalguales dues aux engrais des champs alentour lessivés. Et puis je gardais encore les souvenirs de carrières belges aux eaux aussi froides que turbides. Sachant bien ce qu’est l’envie refoulée d’un plongeur du grand nord-est ne pouvant pas facilement s’immerger en eau salée (c’est-à-dire prêt à se tremper dans presque n’importe quoi), j’étais malgré tout tenté d’aller voir, d’autant plus que les commentaires des usagers étaient enthousiastes et que les moyens de communication modernes montraient un tas de gens visiblement heureux d’y être. Je m’étais donc promis de profiter d’un prochain passage dans cette région pour aller m’y tremper.
Nous voilà donc un dimanche matin devant les nouveaux locaux tout beaux tout neufs du PALM : Plongeurs de l’Amitié de LingolsheiM (ou ACPA link). Thomas, le président de la section, a accepté que je vienne découvrir la gravière en compagnie de ses plongeurs. Une fois le matériel chargé dans les voitures, direction le site qui est rejoint en quelques minutes. Derrière un haut portail automatique, un grand espace de stationnement se remplit progressivement de voitures. Je remarque que les voisins mosellans viennent jusque-là pour plonger.
Les visiteurs sont répartis sur 3 pontons de mise à l’eau très espacés. Nous partirons du ponton 1. Je serai guidé par la Judokate Palmée en personne qui, pour une fois, n’aura pas trop à s’inquiéter de sa palanquée, en principe. L’organisation du site a été bien pensée. A côté du ponton, un petit abri couvre une table et des bancs. Il est ainsi facile de finir de s’équiper relativement confortablement. Autre point important, des toilettes ont été installées juste de l’autre côté du chemin.
Une fois la palanquée prête à se mettre à l’eau, nous descendons sur le ponton. Dès notre arrivée sur le parking, Thomas m’avait informé de la sécu : chaque club dépose son propre matériel de sécu à côté du ponton. Effectivement, le sac de sécu et une bouteille d’O2 sont posés sur la gauche, un autre club ayant déposé le sien sur la droite du passage.
Bien sûr, il faudra que dans notre dos une narcosée de surface se manifeste avec amabilité, tact et politesse pour dire que le ponton va couler si nous sommes trop nombreux dessus. Quand on est dans un tel état d’esprit et de confiance, on évite de plonger et on reste chez soi, c’est mieux pour les autres. J’imagine le drame : des plongeurs entièrement équipés se retrouvant avec les pieds dans l’eau ! Horreur !... Bref, le ponton ne coule absolument pas et nous sautons à l’eau.
J’avais oublié : l’eau est douce. Ca paraît bête, mais j’ai tellement l’habitude du goût du sel que je suis étonné un instant. L’autre interrogation qui me vient immédiatement à l’esprit concerne la microbiologie de cette eau (déformation professionnelle) : je n’aimerais pas faire le retour vers le sud-ouest avec la courante. On verra bien !
20°C en surface, bonne visi. Je me laisse guider le long d’une pente de galets jusqu’à la zone des 25 m. Là, l’eau a perdu la moitié de sa température. Nous sommes à cette profondeur pour observer les « cloportes » dont on m’a tant parlé. Et effectivement, ils sont nombreux. Je commence à rechercher au fond de ma mémoire mes cours de bio animale de la fac et… Pas grand chose (l’âge…). Ce problème va persister tout au long de la plongée et même après lors du tri des photos. J’identifie bien un crustacé isopode, mais il me faudrait une loupe et surtout un individu coopératif qui ne remue pas (ou alors du formol). Ce ne sont pas des cloportes, mais probablement des aselles (Asellus aquaticus), petits crustacés d’un peu plus d’un centimètre qui rappellent les gammares, mais en version non courbée. Ces minuscules animaux sont partout, même sur les éponges :
Ces éponges, peut-être des Spongilla lacustris, sont très nombreuses. Plus ou moins étalées, accrochées au substrat ou encroûtantes, elles parsèment le fond. Plus loin, j’en attrappe une au vol suite au passage d’une palanquée de sangliers commandos qui doivent faire le 1500 m labourage chronométré. Je constate qu’elle est très fragile et friable. Moins profond, je suis étonné par la couleur d’une éponge se développant sur une branche morte. Elle apparaît verte sous la lumière du flash. Elle est probablement colonisée par des microalgues.
De nombreuses moules zébrées Dreissena polymorpha sont accrochées sur les roches et les galets.
Ces moules ont une décoration plus recherchée que leurs cousines marines. Les 2 siphons inhalant et exhalant servant à faire circuler l’eau sont bien visibles.
Le lecteur attentif observera aussi sur l’image une hydre Hydra sp. probablement en début de reproduction par bourgeonnement.
Couverte d’une fine pellicule de poussière de vase lui conférant un camouflage assez efficace, une limnée (Radix auricularia ?) se promène sur un caillou, à quelques centimètres d’une aselle.
Plus tard, dans un herbier, la coquille plus propre d’un autre individu laisse apercevoir des marques brunes rappelant les peintures militaires pour le cheminement en terrain végétalisé. La nature est bien faite !
Spongiaires, crustacés, mollusques, cnidaires, il y a de la vie dans cette gravière. Et encore, en une première visite, je dois rater pas mal de choses…
J’ai du mal à identifier les animaux. Mes cours sont trop lointains et mes connaissances trop faibles. Mais le pire, ce sont les végétaux : là, je suis complètement largué…