Au cours des 7 épisodes précédents, les différentes espèces présentées étaient presque toutes relativement facilement identifiables grâce à leurs couleurs, leurs formes, leurs papilles… Cette fois, les nudibranches seront tous bleus avec du blanc et du jaune. Il faut parfois au plongeur curieux un sens aiguisé de l’observation. Et même lorsque l’on sait ce qu’il faut regarder pour identifier, ça n’est pas toujours si simple…
Donc, je me lance, soyez indulgents… :S
Commençons par un local :
Hypselodoris fontandraui. Pourquoi ce nom ? Le nom d’espèce aurait été formé sur le nom Font-Andrau, à côté de Banyuls. L’utilisation de la localisation géographique d’origine, bien que théoriquement à éviter, est fréquente. Cet animal a été observé de l’ouest de la Méditerranée jusqu’aux Açores. Pour donner une idée des difficultés de dénomination, il a été appelé
Glossodoris fontandraui et on le trouve nommé
Hypselodoris messinensis dans un livre que je trouve d’habitude assez bien fait. Peu importe le nom, l’animal ne change pas.
Il a les rhinophores bleus, les branchies bleues avec des liserés jaunes, une ligne dorsale qui se termine à l’avant des rhinophores en forme de T et surtout des taches bleu ciel de part et d’autre de la ligne dorsale médiane ainsi que des lignes discontinues sur les flancs. Les motifs peuvent varier significativement entre les individus.
Carnivore, il se nourrit d’éponges
Dysidea avara. La ponte est un fin ruban d’œufs jaune-orange.
Il ne faut pas confondre
Hypselodoris fontandraui et
Hypselodoris tricolor, c’est-à-dire qu’il ne faut pas faire comme pas mal de monde… D’ailleurs, même les collègues taxonomistes ne sont pas d’accord sur le nom
tricolor et une partie d’entre eux veut imposer le nom
midatlantica. J’ai toujours gardé à l’esprit les quelques cases de la BD Garulfo dans lesquelles on voit la grenouille (encore une histoire de prince et de grenouille) disant (oui, elle parle, mais c’est normal, c’est une histoire de prince et de grenouille) « la peste soit de ces savants naturalistes qui vous nomment une espèce sans lui demander son avis ». Bref, cela illustre tout à fait ces querelles de spécialistes qui ont une fâcheuse tendance à oublier le principal : la bête. Donc,
Hypselodoris tricolor :
Présent dans l’ouest de la Méditerranée et jusqu’aux portes de l’Atlantique, comme son parent
H. fontandraui avec qui il partage le même déjeuner.
H. tricolor est également bleu. Sa ligne médiane dorsale est épaisse et accompagnée de points blanc-jaune. Les rhinophores sont bleus et les branchies, bleues également, ont un liseré jaune. Différence importante : une seule ligne continue blanc-jaune sur les flancs.
Plus simple dans la décoration,
Hypselodoris orsinii :
Vous le trouverez aussi nommé
H. tricolor dans le livre que j’ai évoqué plus haut et
H. coelestis dans un autre livre que j’aime bien consulter. Mais alors ?
H. orsinii est le nom actuel à utiliser. Gageons que dans un futur indéterminé il changera encore… La peste soit de ces savants naturalistes… :p
C’est le plus petit des 3, enfin, à l’age adulte, avec tout juste 2 cm. Habitant l’ouest de la Méditerranée, il se nourrit de l’éponge
Cacospongia. Ses branchies et rhinophores sont uniformément bleus. Une fine ligne médiane blanche et un bord de manteau jaune sans autres traces permettent de le différencier des individus adultes des deux espèces précédentes. Car, oui, je ne l’ai pas dit, mais les jeunes peuvent faire des variations sur le thème de la décoration…
Ces 3 espèces bleues à lignes blanches et jaunes ne sont pas les seules à fréquenter nos eaux, mais je n’ai pas actuellement d’images des autres espèces pour semer ici un peu plus la confusion dans l’esprit du plongeur-lecteur qui se trouvera plus tard face à des nudibranches forcément moins faciles à identifier
in situ. Pour tenter de lever le voile de la confusion, une seule solution : prenez des photos ! Faites de belles macros ! Et partagez ensuite avec vos amis palmipèdes. Non, pas les canards, les plongeurs… Ah la la… La taxonomie…