La météo sur les épaves du Roussillon est très changeante et bien malin est celui pouvant prédire avec justesse les conditions de plongée avant d’avoir les vestiges en vue. Depuis des années, malgré les tentatives de corrélation entre paramètres climatiques de surface et visi constatée au fond, rien n’y fait. Les conditions sont à ce point changeantes que quelques minutes suffisent à transformer l’explo. Exemple en images.
Ce matin-là, la visi depuis la surface ne semble pas terrible. La descente commence et je cherche le mât, comme d’habitude. Il apparaît assez rapidement sur le côté, en dessous de nous.
Le temps de s’approcher de la flèche et les conditions changent : 15 m plus bas, la vue est soudainement dégagée sur tout le pont avant !
Nous nous dirigeons vers la proue. Au passage, je me retourne pour prendre le mât entouré d’une nuée de poissons.
Le canon est bien dégagé sur son support. Mes 2 collègues de palanquée prennent la pose pour un petit souvenir à côté de cette grosse pièce d’artillerie recouverte de lambeaux de filets.
Je constate alors que le mât disparaît dans la brume ! Nous remontons le pont côté bâbord et au passage entre le mât et la tourelle bâbord, j’observe cette brume qui s’élève du fond pour recouvrir le pont.
Alors que nous continuons vers l’arrière, la brume a recouvert le pont avant jusqu’au ras du dessus du château.
La tourelle portant le double canon sera-t-elle engloutie elle aussi ? A notre arrivée, elle dépasse encore de cette nappe envahissante.
Nous poursuivons jusqu’au canon arrière qui émerge encore de la couche brouillasseuse.
Il est temps de songer au retour vers le bout. Nous laissons cet ilot de ferraille encroûtée dans sa mer de brume.
Nous rejoignons la tourelle portant le double canon qui apparaît plus dégagée qu’à l’aller.
En quelques instants, le temps de 2 clichés et de parcourir quelques mètres, l’arrière du château se nettoie.
La brume reflue, s’écoule de l’épave, libérant le château, les bossoirs et les coursives.
A l’angle du château, la coursive inférieure est dégagée tandis que je réprime l’envie de jeter un œil à l’intérieur de la coursive supérieure. Au passage, je constate l’allure penchée de la structure qui me rappelle celle du Saumur quelques mois avant son écroulement…
La situation sur le pont avant s’améliore également, quoique peut-être plus lentement. La tourelle bâbord est presque libérée.
Alors que nous entamons la remontée, la visi, quoique moins belle qu’à notre arrivée, s’étend à nouveau du mât jusqu’au canon de proue.
Tout cela s’est déroulé en l’espace de 18 minutes. Les flux et reflux du brouillard ont été rapides. Comment prévoir de tels changements ? Mais dans le fond, est-ce si important ? Bien sûr, on souhaite toujours avoir la meilleure visi. Mais cet état changeant a modifié ma perception, tout au long de la plongée, de l’épave et des ambiances. Et ce n’est pas forcément un mal…